
Avant première Salle Karbone
jeudi 11 octobre 2018
20h30 MJC monplaisir
avenue des Frères Lumière 69007 Lyon
Benjamin Best Simon Vicente Justine jermer Mahalia Chiambretto Frank Halison
Charlotte Robin
Fabrice Chiambretto
Hassen Benhafdallah
Fabrice Chiambretto
Rémi Boudelan
Analyse filmique MISTIGRI
Florent Maurin Président de L'Arlequin, le cinéma autrement
« Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s’expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l’événement doit opter (1) pour l’une des deux solutions possibles : [...] ou bien le diable est une illusion, un être imaginaire ; ou bien il existe réellement, tout comme les autres êtres vivants. Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu’on choisit l’une ou l’autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l’étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. »
Telle est la définition du fantastique que propose Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique. Force est de constater que le court-métrage Mistigri, réalisé par Fabrice Chiambretto reprend tous les codes du genre fantastique avec l’apparition d’un revenant, la présence entêtante d’une enfant disparue trop tôt dans des circonstances pathétiques, les fauteuils roulants qui se meuvent tous seuls…
Le spectateur et les personnages sont envahis peu à peu par le sentiment de l’« inquiétante étrangeté » propre à la littérature fantastique, sentiment que Sigmund Freud a théorisé et analysé pour l’intégrer dans sa théorie de la psychanalyse. Cette « inquiétante étrangeté » qui bouscule tous les repères est particulièrement pertinente lorsqu’on l’applique au court-métrage de Fabrice Chiambretto. En effet, il est frappant de constater que les frontières se dissolvent peu à peu et que le thème du passage est omniprésent dans ce film. Cette « étrangeté » bouscule tous les repères entre le réel connu, quotidien et un autre monde différent du nôtre, régi par des « lois inconnues de nous » comme l’écrit Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique.
Tout l’objet du film est de réintroduire du mouvement dans un univers marqué par l’enlisement, l’enfermement dans des corps paralysés ou dans des traumatismes d’enfance qui bloquent la progression des personnages. Le titre du film est à cet égard révélateur. Le mistigri est cette carte qui fixe le joueur dans le statut de perdant d’un jeu de société qui prend des accents cruels dans le court-métrage. En effet, un pouilleux, autre nom du mistigri, fait son entrée dans un centre où les résidents se trouvent coupés du monde soit par une vitre comme dans la première séquence soit par des portes qui ne peuvent s’ouvrir qu’à la faveur d’un badge. Cet étranger anonyme, que les résidents nomment « sdf », et qui a été invité par Youssef est rejeté alors qu’il pourrait être une bouffée d’air frais. Le personnage de Norbert parvient à remonter les résidents contre lui et le met à terre au sens propre comme au figuré en ravivant des blessures qui n’ont pas cicatrisées et que cet étranger, ce naufragé de la vie tente de soigner par la musique et par une chanson qu’il tente de partager avec ses hôtes. « J’ai décidé de continuer ma route comme ça », déclare-t-il au début du film. Continuer la route sera difficile face à des résidents qui font bloc contre lui et face à un personnel encadrant qui ne prend pas toujours sa détresse au sérieux. Il ne lui reste donc plus que la fuite pour échapper à une violence sourde qui le mine et le fixe dans la position
du perdant face au groupe.
Après son départ, l’enlisement reprend ses droits. Les films que regardent les résidents sont tous centrés sur des situations de détresse dans lesquelles les personnages sont enfermés : un condamné à mort, un personnage qui ne pourra bientôt plus jamais entendre, un meurtrier auquel on refuse toute part d’humanité. Les plans du court-métrage insistent tous sur des couloirs déserts dans la nuit qui enveloppe tout dans l’obscurité. Les portes sont fermées, tout se fige dans une torpeur irrémédiable. Norbert, qui a rejeté l’invité de Youssef chasse tous ceux qui veulent lui venir en aide, s’enferme dans une posture de rejet qui l’isole peu à peu dans sa chambre. Le film montre l’impossibilité des personnages à avancer quand bien même les auxiliaires des résidents veulent les aider à avancer par la parole. Lisette qui est à l’origine de l’incident n’est pas écoutée par la femme qui l’encadre. Le silence comme la nuit isolent tous les personnages et les rejettent dans la solitude et l’incompréhension. Chacun finit par détenir sans le savoir son Mistigri.
C’est alors que le mouvement fait son entrée avec le parcours du SDF que l’on suit dans son errance. Il pénètre dans un premier passage symbolisé par un souterrain ferroviaire dont la forme n’est pas sans rappeler celle d’un écran de cinéma sombre et inquiétant. De désespoir, Le personnage crève cet écran pour se jeter sous le passage d’un train qui l’emportera dans un autre monde différent du nôtre. Ce passage se fait à la faveur d’un fondu enchaîné qui introduit du flou à l’image. Le spectateur est alors transporté à son tour dans le monde de l’inquiétante étrangeté qui abolit les frontières entre réalité et surnaturel.
Le court-métrage entre alors dans une dynamique qui va porter tous les personnages au bout de leur nuit. L’homme sans nom, rejeté par cette société devient malgré lui un messager de l’au-delà, messager bien ambigu, tout en nuances puisqu’il s’évertue à accomplir sa vengeance jusqu’au bout. Même s’il est nu, il ne s’agit pas encore d’une renaissance positive dans la mesure où il se fait le bras vengeur de puissances surnaturelles. La couleur verte dont il est nimbée est celle que l’on attribuait au diable au Moyen-Âge. Dans un premier temps, il devient un auxiliaire du mal qui s’abat sur ce centre pour personnes handicapées. Le mouvement est inquiétant, des fauteuils roulants se mettent à bouger, la présence de l’inconnu se fait ressentir dans chaque chambre, Youssef tente de s’échapper de sa chambre en rampant, quant à Norbert, il se retrouve bloqué sous un lit électrique qui menace de l’écraser quand l’infirmière vient le chercher. Quant à Lisette, si elle parvient à s’échapper, ce qui montre que les frontières du centre deviennent poreuses et qu’une brĉhe s’ouvre peu à peu, la jeune femme se retrouve sous un patio dont les lampions de fête foraine accentuent la détresse dans laquelle elle se trouve. Une allusion au poème « La Conscience », tiré de La Légende des Siècles de Victor Hugo fait de l’étranger un double de Dieu qui vient hanter Caïn et le poursuit jusque dans la tombe. L’allusion biblique dans le court-métrage de Fabrice Chiambretto prend des accents inquiétants puisque la mauvaise conscience et la culpabilité, ont laissé la place pour un temps à l’œil de la vengeance et non du pardon. Le mouvement est donc encore lié à l’enfermement, mais il est présent et cette dynamique va introduire un souffle salvateur dans le centre.
C’est à partir du moment où Norbert se dédouble, et qu’il va pouvoir se regarder en face, qu’un mouvement libératoire et salvateur souffle dans ce lieu auparavant fermé.
Le premier vrai bouleversement concerne l’étranger qui retrouve le portrait peint d’une enfant en pleurs qui va le toucher au plus profond puisqu’il découvre comment puiser dans son énergie venue de l’au-delà pour la diriger positivement vers les vivants. Puis, c’est au tour de Norbert de se laisser entraîner par ce souffle venu de l’extérieur. Après s’être dédoublé, il parvient à se regarder en face pour partager un traumatisme avec autrui (un abandon feint sur une aire de repos dont il n’est jamais parvenu à s’extraire symboliquement). L’infirmière qui l’écoute libère Norbert en quelques mots : « Ce n’est pas de votre faute ». Le jeune homme n’est plus condamné à être le mistigri, il peut enfin entrer dans l’âge d’homme, prendre son destin en main et choisir de faire le bien autour de lui. L’étranger n’est plus une force Le centre se transforme alors en un espace de circulation où les gestes d’apaisement et de consolation se multiplient. Une des infirmières s’écrie d’ailleurs : « Tu la sens cette chaleur... ». La parole de l’enfant résonne depuis l’au-delà et permet alors à l’étranger de quitter des vivants qu’il est parvenu à libérer de leurs maux.
Loin de réaliser seulement un film répondant aux critères du genre fantastique avec lesquels il joue, Fabrice Chiambretto s’empare surtout du mouvement inhérent à l’ « inquiétante étrangeté » chère à Sigmund Freud et Tzetan Todorov pour créer une fable dans laquelle il n’y a aucun perdant puisque chacun finit par abandonner son mistigri dans un jeu cinématographique bienfaisant.
Vlad A. G (Feel the Reel international film festival)
The wounds of the past are always painful, and the only thing that can treat them is time. But how long does it take for a wound to heal? Paul, a homeless man, is invited to serve a meal in an asylum for people with disabilities. Whilst there, he doesn’t feel right, and many awkward things happen between him and some of the residents. As he leaves the asylum, he feels sad and powerless… but soon enough he will gain all the power he needs.
Fabrice Chiambretto’s short deals with some very interesting point of views. First of all, the setting in a unit for people with disabilities is quite new for us, and we’re glad to see one courageous director to take the story to another level. We know very little about these people, as most of us unfortunately turn our heads in the other direction when it comes to people with disabilities. Chiambretto, on the other hand, managed to take this matter recklessly and make it accessible to everyone.
Second of all, the ‘revenge’ part of this short movie is surprising as it is not what we were hoping to see. Honestly, at first, we thought it would go on the crazy lane just like the Joker did in ‘The Dark Knight’. When we saw the somehow reversed perspective it was a pleasant surprise! The ‘revenge’ director Fabrice Chiambretto suggests is cruel in these conditions…although, from a narrative point of view, this approach is innovative, and reminded us a little bit of the craziness of Charles Bukowski. Some scenes are extremely spectacular, including the ending that is made to touch your soul with great ease. Paul is the symbol of ultimate sacrifice, the man who is willing to lose everything in order to gain everything. It is hard to take such a big decision, but he did it, and one way or another, he won.
‘Hallowed’ is a movie like nothing you have seen before!